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Objectif 2030 : l’avenir des EHPAD se prépare aujourd’hui


Publié le Mercredi 7 Juin 2023 à 12:37

C’est un constat qui laisse peu de place au doute. Portée par l’allongement de l’espérance de vie, la gérontocroissance, soit la hausse quantitative de l’ensemble des personnes âgées, sera particulièrement marquée dès 2030, année où les premières générations de baby-boomers nées en 1945 arriveront à l’âge de 85 ans. Face à une échéance se rapprochant à grands pas, les EHPAD, et de manière plus large les politiques de prise en soins et d’accompagnement du grand âge, doivent dès à présent anticiper les besoins et les attentes des prochaines générations de résidents.


Vingt-et-un millions de seniors âgés de 60 ans ou plus, vivront en France en 2030, soit 3 millions de plus qu’en 2019. Conserver les pratiques actuelles d’entrée en institution pour personnes âgées en perte d’autonomie supposerait donc « de doubler dans la durée le rythme d’ouverture des places observé depuis 2012, afin d’accueillir 108 000 résidents supplémentaires en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) entre 2019 et 2030, puis encore 211 000 places entre 2030 et 2050 », avait souligné la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) dès 2020, dans son modèle de projection Lieux de vie et autonomie (LIVIA). Elle avait néanmoins noté qu’une partie de ces seniors pourrait se reporter sur des formes d’habitats intermédiaires, à l’instar des résidences autonomies où le nombre de personnes accueillies « devrait alors être multiplié par 1,5 à 2,5 en 2030 », laissant les EHPAD se concentrer sur l’accueil des seniors les plus dépendants. Une tendance démarrée il y a déjà plusieurs années et qui s’accélère depuis, soutenue par une large réflexion nationale autour du modèle des EHPAD.

Une nécessaire approche territorialisée

En mars 2022, par exemple, la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale dévoilait les conclusions de la mission Flash « L’EHPAD de demain : quels modèles ? », où était notamment soulignée l’inadéquation entre le modèle actuel des EHPAD français et les besoins de la population y résidant : les EHPAD « n’attirent plus ni les résidents, ni les personnels, ni les familles. Le choix de l’EHPAD est totalement subi et il y a donc urgence à réfléchir dès maintenant à l’EHPAD de demain ». La construction d’un modèle unique n’avait toutefois pas les faveurs des rapporteures, qui avaient préconisé de conserver « une certaine souplesse afin de s’adapter aux réalités des territoires ». Cette notion de territorialisation de la prise en soins du grand âge est d’ailleurs centrale, la mission Flash allant même jusqu’à recommander de « ne plus agréer d’EHPAD qui n’ait signé de convention avec les acteurs du sanitaire, du social et du médico-social de son territoire et n’offre pas un bouquet de services largement accessibles, tant aux personnes âgées visant à en établissement qu’à celles demeurant au domicile ».

Quelques semaines auparavant, la Cour des comptes avait elle aussi souligné la nécessité de mieux intégrer les EHPAD dans les territoires en les concevant notamment comme des Centres de ressources territoriaux, soit des lieux « d’organisation, de coordination et d’optimisation des ressources d’un territoire dans une logique de services aux personnes âgées en perte d’autonomie […]. L’EHPAD centre de ressources mobiliserait ainsi les compétences du plateau technique que représente l’établissement pour les déployer vers l’extérieur, le positionnant ainsi comme une plateforme de ressources pour le domicile. Il s’agirait d’une offre complémentaire, structurée, permettant une plus-value à l’accompagnement à domicile de la personne âgée en perte d’autonomie et de ses proches aidants ».

Les CRT en ordre de marche

Une prise de position qui a rapidement fait consensus. Officiellement créés cette même année, les Centres de ressources territoriaux (CRT) sont venus donner corps au concept d’EHPAD hors les murs, faisant des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes les acteurs incontournables du virage domiciliaire. Précisées par l’arrêté du 22 avril 2022, les missions des CRT s’articulent plus particulièrement autour de deux volets devant être menés conjointement : une mission d’appui aux professionnels du territoire – « formation des professionnels, appui administratif et logistique, mise à disposition de compétences et ressources gérontologiques, gériatriques et de ressources et équipements spécialisés ou de locaux adaptés », précise le texte –, et une mission d’accompagnement renforcé pour les personnes âgées en perte d’autonomie et nécessitant « un accompagnement à domicile plus intensif, en alternative à l’EHPAD ». Depuis, plusieurs appels à candidatures ont été lancés par les Agences Régionales de Santé pour justement favoriser ces créations, et certains CRT ont d’ores et déjà vu le jour, comme nous vous en donnons un aperçu entre ces pages.

Un précieux appui technologique

La tendance qui se profile aujourd’hui est donc à des EHPAD plus ouverts, mais aussi plus petits – pour devenir véritablement des lieux de vie, ainsi que le souligne plus loin le Professeur Dominique Somme, chef du service Gériatrie du CHU de Rennes – et plus connectés. Pilotage et traçabilité des soins informatisés, interconnexion des outils métiers, développement de la télémédecine, mais aussi meilleure mise à profit des dispositifs digitaux pour faciliter les échanges avec les proches et le maintien des liens sociaux, voire recours à des robots de compagnie, toutes les options sont par exemple mises sur la table par la Cour des comptes pour « amplifier le virage numérique » et exploiter pleinement les possibilités offertes par la technologie.

Un défi que les pouvoirs publics ont notamment adressé dans le cadre du programme ESMS Numérique, lui-même issu de la stratégie nationale dite du Ségur numérique et dont la phase d’amorçage, engagée dès 2021 par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), a été dotée de 30 millions d’euros. Au total, pas moins de 600 millions d’euros seront mobilisés entre 2021 et 2025, pour accélérer l’informatisation des structures sociales et médico-sociales, une somme jusque-là inédite pour un chantier structurant. Si la dynamique semble bien prendre, certains EHPAD particulièrement technophiles se positionnent déjà comme de véritables établissements 2.0, où les dispositifs connectés et/ou intelligents y occupent une large place. Quelques exemples sont à découvrir dans ce dossier et nous sommes convaincus que beaucoup d’autres suivront, ne serait-ce que pour mieux s’adapter aux exigences des générations futures.

« Bâtir la société du Bien-Vieillir »

Si les quelques pistes mentionnées plus haut semblent se concrétiser chaque jour un peu plus, mieux anticiper les défis à venir impose aussi de déployer une stratégie nationale pluriannuelle pour accompagner la mutation du système actuel. Après avoir maintes fois promis une grande loi dédiée au grand âge et à l’autonomie, le gouvernement a récemment annoncé une proposition de loi « pour bâtir la société du Bien-Vieillir », qualifiée de « plan d’action pragmatique » par Jean-Christophe Combe, le ministre en charge des Solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées. Attendue fin mai, cette réforme entend notamment s’inspirer des propositions issues du Conseil National de la Refondation consacrée au Bien-Vieillir, cet exercice de consultation des citoyens dont la restitution a eu lieu le 4 avril 2023.

Seuls quatre axes ont néanmoins été communiqués à l’heure où nous mettons sous presse : prendre en considération les attentes des personnes âgées, repérer l’isolement social, simplifier l’accès à l’offre et lutter contre les maltraitantes. Ce qui reste aujourd’hui bien en deçà des attentes du secteur, d’autant que celui-ci a longtemps été échaudé par l’attentisme des pouvoirs publics. « L’heure est […] aux actes », a ainsi réagi la FNADEPA, « exhort[ant] le Gouvernement à mettre en œuvre dans les meilleurs délais les préconisations de la concertation et celles des centaines de propositions établies ces dernières années par des experts, et qui font largement consensus ». L’AD-PA avait pour sa part estimé qu’« il faudra être plus ambitieux » et « attend des annonces fortes » pour « concrètement […] améliorer conditions de vie et de travail » en matière d’accompagnement du grand âge. Aujourd’hui plus que jamais, être prêts pour 2030 impose d’accélérer sérieusement la cadence.

Article publié dans le numéro d'avril d'Ehpadia à consulter ici



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